Les poissons du «fleuve roi» sont bourrés de pyralène. Résultat ? Leur consommation est prohibée. Une usine de retraitement des déchets figure parmi les présumés coupables.
Cédric Giroud est un pêcheur professionnel, comme il en reste peu sur le Rhône. Chaque année, il retirait du fleuve 10 tonnes de poissons : carpes, brèmes, chevennes, silures, sandres et brochets. Sa production, il la revendait sur les marchés de la banlieue lyonnaise aux familles d'origine asiatique et africaine, friandes de poissons d'eau douce, peu chers et riches en apports nutritifs. Aujourd'hui, c'est fini. Il peut toujours pêcher dans ce bras du Rhône en amont de Lyon qu'on appelle le Grand Large, mais il n'a plus le droit de vendre ses poissons, trop pollués. Coupables ? Les PCB, une substance chimique huileuse connue sous le nom commercial de pyralène, aujourd'hui interdits de fabrication : ils peuvent avoir des effets neurotoxiques, entraîner des troubles de la fertilité, voire des cancers, sur les animaux qui les ingèrent, et, en bout de chaîne alimentaire, sur l'homme.
Cédric est en colère car il ne peut plus travailler sur le «fleuve roi», où son père lui a appris à pêcher. En colère parce qu'il a vu le Rhône être utilisé comme une poubelle, et qu'il a longtemps alerté, en vain, les autorités... En colère enfin parce que c'est à lui - et non aux services de surveillance de l'Etat - qu'on doit la découverte de la pollution aux PCB : «Fin 2004, on a retrouvé des oiseaux morts en amont de Lyon, sur le Grand Large. Le temps des analyses, les services vétérinaires, par précaution, ont interdit toute consommation de la pêche. Ce n'était qu'un cas de botulisme strictement aviaire, mais plus personne ne voulait de mes poissons. J'ai demandé des analyses complètes pour prouver qu'ils étaient bons. Et là, bingo ! Ils étaient bourrés de PCB ! Je m'étais tiré une balle dans le pied : je ne peux plus pêcher dans le Rhône, je n'ai touché aucune indemnité. Et je ne serai pas la dernière victime.»
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Cédric Giroud n'a pas tort. Le Rhône est désormais pollué jusqu'à la mer. Il présente des taux de PCB de 5 à 12 fois supérieur aux normes sanitaires européennes ! Analyse après analyse, les arrêtés préfectoraux sont tombés comme des couperets : l'interdiction de consommer ses poissons, décrétée d'abord au nord de Lyon puis appliquée jusqu'aux confins de
«La pollution du Rhône préfigure ce qui risque d'apparaître partout en France», prévient Alain Chabrolle, ingénieur spécialisé dans l'eau. Militant depuis vingt-six ans à
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Comment expliquer cette diffusion généralisée des PCB ? Parmi les hypothèses avancées, les incinérateurs, coupables de rejets atmosphériques et de pollution des sols. Ainsi certaines entreprises, notamment celles fabriquant des transformateurs au pyralène, ont laissé leurs huiles aux PCB s'infiltrer dans la terre puis dans la nappe phréatique et les cours d'eau voisins, où ils se sont fait piéger dans les sédiments. C'est là, et sur les matières en suspension entraînées par les courants, que les poissons ingurgitent les PCB.
Sur le Rhône, on retrouve tous ces facteurs. Plus un autre, paradoxal : la présence à quelques kilomètres en amont de Lyon, à Saint- Vulbas, de Trédi, une unité d'élimination des déchets. Trédi a pourtant pour mandat de lutter contre la pollution, notamment en éliminant les PCB. Mais en créant, vers 1975, cette plate-forme de retraitement, les industriels de la chimie rhônalpine n'avaient pas pris suffisamment de précautions. Résultat : au milieu des années 1980, des quantités de PCB ont pu s'écouler dans le sous-sol puis s'infiltrer dans le Rhône. C'est en partie cette pollution accidentelle qui, piégée dans les sédiments du Grand Large, a intoxiqué les poissons de Cédric Giroud. Plus grave, Trédi pouvait évacuer le pyralène que le processus de destruction ne parvenait pas à éliminer. Les premiers arrêtés d'exploitation ne fixaient même pas de limite à ces rejets. En 1988, Trédi était encore autorisée à déverser 1,5 kilo de PCB dans le Rhône par jour !
Pendant toutes ces années, les services administratifs n'ont pas examiné l'état des sols et de la nappe sous le site de Trédi, affirme
La justice est saisie. Par Cédric Giroud. Par des mairies riveraines, bientôt par
Cédric Giroud ne regrette pas d'être à l'origine des analyses qui ont déclenché la crise. Mais il est amer. Il arrache les algues qui bloquent sa barque sur le Grand Large, où il ne péchera pas de sitôt : «Voilà le résultat des nitrates et des pesticides : on ne dit rien !» Il désigne un restaurant, bucolique, sous les platanes au bord de l'eau : «Combien de temps encore l'administration va-t-elle tolé rer que des établissements déversent directement leurs eaux usées dans le Rhône sans se raccorder au collecteur ?»
Après des années de laxisme, faute de moyens ou par manque de volonté, l'administration a enfin pris conscience de la crise sanitaire créée par les PCB dans le Rhône. Elle vient de lancer une enquête approfondie sur l'ensemble du bassin du fleuve et ses affluents.
Robert Marmoz
Le Nouvel Observateur
Commentaires (4)
1. Rhônetrotteur 14/11/2010
Bonjour Philippe,
vous pouvez me contacter par mail: rhonetrotteur@gmail.com
Meilleures salutations
2. philippe 05/11/2010
Bonjour,j ai travaillé dans les btp,et je voudrai m entretenir de pratiques suspectes! Je pratique la peche !
Merci
3. johanna 21/05/2010
bonjour nous habiton a quelque kilometre du rhone et leau qui sort de notre robinet vien dun forage et nes donc pas traiter!ma question est est ce que notre eau est potable
4. prat jean-michel 02/07/2009
bonjour,
bon alibi et bon trip,
bonne chance
jeanmi